Shiro est né dans l'Hokkaïdo, à grandit dans l'Hokkaïdo, mais ne vivra pas dans ses terres natales. C'est l'histoire d'un jeune garçon plein d'entrain et dont la vie insouciante fait le bonheur de sa famille. Petit, il pleurait peu. Il suffisait de le bercer pour le calmer, et son petit sourire de chenapan faisait fondre sa mère. Son père l'emmenait au parc, son père l'emmenait au zoo, son père l'emmenait pendant ses congés faire un tour en voiture, et l'enfant observait l'horizon défiler, et le temps s'arrêter. La famille était heureuse et le monde était en parfait état pour le bambin qui ne demandait qu'à être heureux. Ses notes étaient formidables, ses camarades joyeux, le soleil resplendissait sur la côte est d'Hokkaïdo. Le rituel quotidien était un jeu, le souvenir semblait impérissable et chaque jour passait à une vitesse fulgurante, annonçant une vie somme toute banale, mais rêvée. Enfin, rien de surprenant et vous connaissez déjà le tournant. On pourrait encore s'étaler dix-sept ans de futilités sur une tartine, le pot finirait toujours par se vider. Et Shiro aurait préféré qu'il ne le soit jamais.



Dix-sept ans, soit deux ans avant son arrivée à Tokyo. Le souvenir est encore chaud comme si l'incident s'était produit la veille. Shiro n'a jamais connu les circonstances, et peut-être ne les connaîtra-t-il jamais. Il était 19h passé, la journée avait été mauvaise et annonçait étrangement le pire. La pluie battait sur les carreaux, une brume fine cachait les arbres et les voitures tandis que le garçon écoutait, impassible, le bruit des moteurs gronder au dehors. Le paternel lisait son journal dans le canapé, tandis que le fils étalait ses mains sur la vitre glacée. Quatre coups sur la porte vitrée, un coup d'oeil furtif a permis à Shiro de reconnaître l'ombre d'un homme portant une casquette derrière le flou artistique du verre. A sa bougeotte aiguë, on pouvait dire qu'il était agité, c'était une certitude. Mais rien ne pouvait l'alerter sur la suite de l'histoire.




Le père s'est levé, la scène est lente, la marche est pesante, et le temps défile aussi lentement que les minutes qui précèdent un événement attendu. Il semble fatigué mais on ne saura jamais si c'était un détail important. Enfin, rien ne pouvait alerter Shiro sur la suite de l'histoire.




Le patriarche a ouvert la porte, l'inconnu parlait vite, lui répondait lentement. Très rapidement, sa voix est montée, une voix grave, nonchalante, prétentieuse et mugissante. Rien de distinctif dans ses vêtements mais la scène fascinait Shiro. Plus la conversation avançait, plus les visages étaient crispés. La scène a durée presque quatre minutes, puis le père a fermé la porte. Si seulement l'histoire s'était terminée ainsi, le vieux aurait repris son journal, le fils son observation brumeuse, et seul le temps n'aurait changé. Un coup dans la porte vitrée l'a brisée, l'homme a attrapé le père, l'homme l'a frappé, le fils s'est figé, l'homme a sorti un couteau, le père a hurlé, le fils a hurlé, l'homme l'a égorgé, le père s'est étouffé et en quelques secondes l'affaire était close. Figé, Shiro n'a pas pu bouger face à son assaillant. Il n'est pas tombé, n'a pas pleuré, son visage glacé par l'effroi, ses mains moites, il n'a pas pu éviter le coup de l'inconnu et s'est fait mettre à terre. Moi-même, l'auteur, ne saurait vous parler de la suite car je ne la connais pas. Shiro porte un fardeau qu'il ne pourrait exprimer et ne saurait expliquer la suite de l'histoire, personne ne la connait, ou peut-être seulement les agents de police qui l'ont retrouvé sur la route, plongé dans son propre sang et battu, par l'homme d'abord, puis par la pluie. Le jeune garçon a du être hospitalisé, pendant plusieurs mois, on lui a greffé un foie pour insuffisance hépatique. Il en est sorti malheureux pendant un an, puis a recommencé à sourire.




Je ne saurais vous expliquer le chemin qu'il a parcouru pendant les années qui suivirent. Tout ce que je peux vous dire, c'est que sa mère est en dépression chronique et que des professionnels de la santé s'occupent d'elle, qu'elle semble s'infliger la souffrance de ne pas avoir été sur les lieux et que Shiro n'a lui-même jamais compris sa propre absence. Elle ne travaillait pas à cette heure-là. A présent il semble qu'elle soit mourante et que Shiro finisse par hériter des biens familiaux sous peu. Mais aujourd'hui, il préfère fuir à Tokyo, se plonger dans ses études et faire en sorte que tout ça ne soit que de l'histoire ancienne. Seulement, en est-il capable? Sans famille, sans amis, sans repères, sans aide médicale? Shiro est seul à présent, seul pour reconstruire tout ce qui est détruit en lui.