C’était dur pour Taichi. Il avait mal d’entendre ces rumeurs, lui, le pauvre gars qui était trompé. Mais c’était plus fort que lui. Il ne pouvait pas s’empêcher de croire en Scarlet, de penser qu’elle était sincère. Après tout, il l’aimait tellement… Ce n’était pas possible. Il avait tout quitté, tout donné pour elle. S’il y avait bien une chose que Taichi n’avait pas retenu des tragédies qu’il avait lu sans arrêt, c’est qu’il faut se protéger. Parce qu’en amour, on fini toujours par avoir mal. Il y croyait dur comme fer. Il était fou, il était malade. Il aimait. 

Assit sur son banc, le jeune homme aujourd’hui aux cheveux châtains jouait avec ses doigts, pour faire passer son angoisse. Un soupir passa la barrière de ses lèvres, alors qu’il passait sa main dans ses cheveux. Il n’osait pas poser la question fatidique à Scarlet. Il lui semblait qu’il risquait sa vie à le faire. Pourtant, il avait confiance en elle. Enfin, il tentait de s’en persuader, peut-être pour éviter de souffrir. Sûrement même. S’il ne voulait pas l’entendre, il ne le saurait pas après tout. Cependant, c’était impossible pour lui de raisonner de manière totalement rationnelle. La rumeur tournait, et il devait en avoir le cœur net. Scarlet le trompait-elle réellement ? 

Mais ce qui manqua de tuer Taichi, se fut quand la silhouette de sa douce, qu’il reconnaîtrait entre mille, se dissocia des autres, au fond du parc, près de la fontaine. Remettant ses cheveux en place, se saisissant du bouquet de fleurs qu’il avait prévu au préalable, pour se faire pardonner de sa question maladroite. Une fois en face d’elle, le bouquet de roses tourné vers le sol, les yeux de Taichi se plantèrent dans ceux de Scarlet, alors que la douleur du garçon était visible dans ses iris semblant si ternes.


C’était trop dur pour lui de dire qu’il avait peut-être douté un moment. Cela signifiait qu’il n’était pas un bon petit ami. On ne peut pas douter de sa compagne. Il lui tendit le bouquet de roses, en souriant. Oui, Taichi était amoureux.

Il n’y avait aucune joie sur le visage de la douce. Aucune autre expression que la fatigue, et probablement le regret, que Taichi ne savait pas déceler de ses yeux amoureux. Comme la violence du bâton de Sully sur les planches de la scène, pour annoncer l’entrée, Taichi subit les révélations de Scarlet. Aurait-il préféré ne pas le savoir… ? Probablement. Il aurait préféré se mentir à lui-même, vivre dans un rêve éveillé. Et la première chose à laquelle le jeune homme pensa fut qu’il vivait dans une pièce dramatique qu’il avait l’habitude de lire. Il était devenu le héro de sa propre histoire. 

Un rictus indécis se dessina sur le visage du jeune homme, qui était devenu terne, comme son cœur, et triste comme son âme. Savait-elle simplement combien il avait fait de sacrifices pour rester auprès d’elle… ? était-il prêt à pardonner pour vivre dans l’idylle qu’il s’était promis. La réponse était sans appel. Définitivement non. Ils n’étaient ensemble que depuis une petite semaine, seulement cela. Il avait prit le temps de la chérir et de la couvrir de cadeaux pour lui montrer son amour. Avait-il été trop loin ? Avait-il trop espéré ? Le bouquet de rose tomba lourdement sur le sol. Il sembla à Taichi qu’elles avaient transpercé le sol, comme les mots de Scarlet avaient transpercé son cœur. Un petit rire mal à l’aise passa la barrière des lèvres étirées du jeune homme, avant que ce dernier ne se les morde, angoissé. Beaucoup trop de choses se bousculaient en lui, et les fins tragiques de ses pièces lui revenaient en boucle.

Le rire du garçon se tu, violemment, alors que le vent balayé la place, qui semblait vide à Taichi. Loin étaient les rires cristallins des bambins, les cris des enfants, la fermeté des parents. Sur ces pavés tachés de pétales rouges comme le sang, Taichi ne voyait plus que Scarlet. A quelques centimètres, mais pourtant si loin. Déshonneur, honte, malheur, tristesse. Taichi aurait du faire confiance à Hanako. Aujourd’hui, il n’était plus que le membre honteux de sa famille. Scarlet lui faisait penser à son père. Père qui l’avait oublié, trahi et abandonné. Père qui avait une double famille. Père qui avait ruiné son existence, mais dont il ne pouvait s’empêcher de rêver. Ce même père auquel le garçon était simplement accro. Il avait besoin d’une présence à ses côtés, et tout comme il avait compté sur Kiyomori pour la combler, aujourd’hui, il avait secrètement espéré que Scarlet saurait lui faire oublier à quel point il était seul.

Une larme transparente roula sur le visage du jeune homme,  qui était impassible. Froid comme la glace. Il ne pouvait plus aimer, et pourtant, il ne pouvait s’en empêcher. Ses mains fortes, stable sur ses pieds, il se saisit des épaules de Scarlet avant de la regarder, la mâchoire serrée.


Il n’avait pu s’empêcher de la secouer. Mais pas très fort. Seulement pour se donner l’impression qu’il pouvait évacuer sa colère, comme cela. Mais cet acte primitif de violence le rendait encore plus vulnérable. Taichi n’était qu’un enfant. Il avait un cœur pur, et l’air innocent. L’âge ne l’avait pas pourri, il s’était toujours caché. Cependant, Taichi était un Homme. Et il savait protéger son honneur.

Trop de paroles mauvaises. Trop de mots qui ne signifiaient rien. Des actes sans pensées. Des actes égoïstes. L’Homme l’est par nature. Taichi réfléchissait-il seulement à la portée de ses actions et de ses mots ? La haine qui émanait de lui n’était-elle pas le reflet parfait de l’égoïsme de l’Homme. Pourquoi se sentait-il si mal, si honteux ? Il n’était pas celui qui avait trompé. Il était le trompé. 

Scarlet parlait trop, pour dire des choses qui ne faisaient qu’agacer le jeune homme. Comment pouvait-elle dire des choses aussi stupides et énervantes ? Taichi se redressa, lâchant finalement sa poigne qui ne s’était, au final, pas avérée violente. Juste une poigne ferme, et en un sens, protectrice. Dans les yeux de l’enfant meurtri se dessinait malgré tout l’amour qu’il éprouvait pour la jeune femme qui venait de piétiner son cœur, sans aucun ménagement. 

Mentalement, le garçon se remémorait sa vie, son histoire. Il ne comptait que trahisons et déceptions, sans jamais réussir à voir le côté sympathique de sa vie. Sakura lui passait à travers l’esprit. Il lui semblait qu’elle aussi ne l’avait jamais aimé. Qu’elle s’était toujours foutue de sa gueule. Il savait que c’était faux. Mais quand le cœur saigne, il semble impossible d’être rationnel. De voir le bout de ce tunnel accablant. Taichi était actuellement dans cet état de semi-dépression. L’acteur qui prenait très au sérieux ses sentiments était tout à fait capable de finir dans un état pitoyable. Mais si comme la perte de Hanako l’avait vacciné contre ses soucis de sensibilité, il lui paraissait impossible de se laisser mourir par cette femme. Mais le garçon avait une incapacité totale à la haïr, et à alimenter une colère envers elle. Il était exaspéré de réagir ainsi. 

Il leva le visage vers le ciel, observant le bleu intense qui s’offrait à lui. Pourquoi ne pouvait-il pas décrocher de cette addiction qu’était l’amour ? Un nouveau sourire se dessina sur le visage de Taichi, qui ne savait juste pas comment faire. Il n’arrivait pas à faire la part des choses, et pour lui, il n’était pas évident de laisser Scarlet loin de lui. Surtout pas après les sacrifices qu’il avait fait pour l’avoir. Un soupir passa la barrière de ses lèvres, à entendre Scarlet lui dire qu’il la haïssait, alors il bascula la tête vers elle, avant de la regarder, et de lancer très sèchement.


Le bonheur du premier amour était depuis bien longtemps envolé, pour laisser place à son premier chagrin. Pourtant, aucun sentiment ne passait la barrière de son visage, qui était aussi impassible qu’un bloc de glace. La confiance n’existait plus, Taichi ne voulait pas montrer ses faiblesses à Scarlet, et ce, pour encore un long moment.

Taichi avait beau connaître la vérité, il avait beau souffrir, il n’arrivait pas à en vouloir à Scarlet, et à être au point de l’oublier totalement. Malgré tout, le jeune homme était amoureux, et n’arrivait pas à l’abandonner. Son air enfantin et désolé touchait le cœur du garçon. Après tout qu’est ce qu’une mer sans vagues ? Il était évident qu’être ensemble n’allait pas de soit pour les deux jeunes tourtereaux. Taichi était un cœur pur. Un amant sans reproches, ni même hontes. Il n’était que la douceur du premier amour, de l’âme encore inconnue. Pourtant, il savait plus que quiconque la violence avec laquelle « aimer » peut se saisir de votre corps, de votre cœur, sans plus répondre de rien.

Un nouveau soupir passa la barrière de ses lèvres. Cependant, il ne s’agissait nullement de soupirs d’agacement. Plutôt quelque chose de plus violent, comme un souffle qui tentait de laisser échapper la souffrance qui l’habitait. Tout ce qui le rongeait… Taichi ne savait sincèrement pas quelle décision prendre. Il pouvait tout abandonner pour ne plus avoir mal, ou alors, s’accrocher, quitte à être bien plus blessé et humilié plus tard. Tout dépendrait de Scarlet. Et elle semblait vouloir se repentir. L’aimait-elle juste sincèrement… ? N’était-elle pas ainsi parce qu’elle le voyait mal… ? Taichi voulait penser que Scarlet était sincère. Mais lui faire confiance était quelque part tomber de nouveau dans les mailles du filet.

La jeune femme se baissa, pour ramasser le bouquet de rose tombé au sol. Elle le fit avec beaucoup de délicatesse, ce qui laissa penser à Taichi, qu’elle ramassait le cœur du jeune homme, comme pour le réparer de ses mains de princesse. Oui, le jeune homme ne jurait que par elle, et lorsqu’elle lui remit son bouquet, il s’en saisit avec finesse, et le détailla.


Malgré lui, sa voix s’était brisée, et il mima un chat dans la gorge, avant de se la racler.

C’est comme si le garçon connaissait la réponse. Si l’on trompe une personne, et qu’on ne sait pas faire le choix, il faut se séparer de la première. Si on l’aimait réellement, on ne l’aurait jamais trompé. Revêtant son masque d’acteur, Taichi tendit son bouquet à Scarlet. Il ne voulait plus souffrir, alors il laissait tomber. Taichi n’avait plus la force de se battre pour étreindre un amour qui serait finalement vain. Lui-même savait qu’il ne pourrait plus jamais faire confiance à Scarlet, après ce qu’elle venait de lui avouer.


Comme pour protéger son cœur, Taichi venait de reposer les fondements de leur connaissance. Les politesses nippones étaient ce qu’il y avait de mieux pour préserver son âme de la souffrance. Lorsque le bouquet quitta ses doigts, Taichi s’inclina respectueusement. Il ne ferait plus le premier pas, et tenterait d’oublier Scarlet, pour ne plus jamais avoir à souffrir. Il était prêt à prendre un nouveau départ, bien plus serein. Il fallait qu’il renoue avec Hanako, dans un premier temps, puis, il reprendrait sa vie de comédien tranquillement.


Il avait la véritable impression d’avoir été prit pour un con. Et l’entendre avouer qu’elle hésitait lui laisser penser qu’il n’était qu’un simple clébard qu’elle ne savait pas si elle devait adopter, ou plutôt adopter l’autre qui était bien plus mignon. Taichi ne chercherait pas à se venger. Il n’était pas comme ça. Il était trop gentil. Il se fichait bien du chemin qu’allait prendre Scarlet, du moins, pour le moment. Il n’avait plus besoin d’entendre de fausses paroles passer la barrière de ses lèvres, pour le faire frissonner de doute et de dégoût. Comment construire une relation si ce n’est sur la confiance ? Taichi se haïssait d’avoir encore espéré, et d’être à ce moment précis encore plus mal en point qu’au début. Avec la classe qui l’habitait, et qui ne laissait aucun doute sur son nom, Taichi passa sa main dans ses cheveux, avant de tourner les talons, pour ne plus jamais regarder en arrière, en direction de Scarlet. Il avait décidé que c’en était fini pour eux deux. Que le point final de leur histoire avait été mit alors que la première majuscule de la nouvelle histoire de la jeune fille était pointée. Taichi venait de clore un chapitre de sa vie, son premier amour, et sa première déception.