J'allais commencer ma lettre par "Maman" mais ai-je vraiment le droit de t’appeler comme ceci? Je me le demande sincèrement parce que la vérité est là : tu n'es pas ma maman. Enfin, si, biologiquement et officiellement parlant, tu l'es mais je ne t'ai jamais connu. Il parait, selon celui que je nomme "Papa" qu'avant de mourir, tu as eu le temps de me prendre dans tes bras. Je ne sais pas quoi en penser. Peut-être que c'est pour cette raison que je faiblis autant quand on me prend dans ses bras. Enfin bon, tu dois te demander ce que je suis entrain de faire et tu as raison. En fait, je ne sais pas vraiment moi-même. J'avais mon bloc-notes de cours ... et pas une très grande envie de travailler. Et oui, ça arrive même aux meilleurs. Je dois avouer que je suis un peu, voir beaucoup, déstabilisée. Déjà, je n'écris pas de lettres et puis, je n'écris certainement pas aux morts.
Alors voilà, je vais essayer de faire comme je peux parce que je pense que j'ai besoin de m'évader. Je vais laisser mes pensées aller se poser sur cette lettre que tu n'auras bien évidement jamais et qu'il faudra que je pense à brûler. La garder intact serait trop risqué. Je pourrais me retrouver dans une situation ressemblant à celle de Céciles de Volanges dans Les Liaisons dangereuses. J'aime beaucoup ce livre mais mon préféré reste quand même celui-là : L'île des esclaves, de Marivaux. Je vais d'ailleurs noter ici quelques citations que j'affectionne particulièrement.
---> "Nous ne nous vengeons plus de vous, nous vous corrigeons ; ce n'est plus votre vie que nous poursuivons, c'est la barbarie de vos coeurs que nous voulons détruire ; nous vous jetons dans l'esclavage pour vous rendrez sensible aux maux qu'on y éprouve ; nous vous humilions, afin que, nous trouvant superbes, vous vous reprochiez de l'avoir été".
---> "Ah ! je vous félicite du petit embarras que cela vous donne".
En y pensant, je devrais totalement détester cette pièce de théâtre mais elle est si... Je ne sais pas réellement comment l'expliquer, malheureusement. Cette pièce représente le calvaire que je pourrais recevoir, la punition du destin pour les humiliations que je fais subir mais en y réfléchissant plus intensément, je me rends compte que cela m'importerait peu en soit. Ce qui me gênerait serait que les autres le sachent. Je sais, mon raisonnement est compliqué à comprendre mais c'est parce que tu ne sais pas à quel point garder le contrôle sur tout, sur tout le monde mais surtout sur soi, sur ses émotions et sentiments peut être fatiguant. Je me suis toujours dis que la lassitude de la guerre dont pale La Rochefoucauld dans sa maxime n'était que faiblesse et je le pense toujours. Toutefois, à présent je le comprends. Cependant, ne va pas croire que je vais céder. Je me suis jurée, il y a longtemps, de rester forte en toutes circonstances, de ne jamais faiblir, de ne jamais briser cette carapace que je me forge depuis tant d'années...
Que te dire de plus? Peut-être que je suis heureuse que tu ne sois plus de ce monde. Si tu l'avais été tu serais sûrement déçue de ta "fille". Oui, je te décevrais. Mais en même temps, je ne serais très certainement pas comme ça si tu étais encore vivante. Je ne vais pas cracher sur toi et dire que c'est ta faute même si je l'aimerais, je ne vais pas me venger de la culpabilité que ta mort me fait ressentir. Non je ne le ferais pas parce que ces lettres ne sont faites que pour exprimer mes sentiments et qu'à l'instant présent je ne ressens rien. Quelques fois je me demande si je ne ressens que des émotions "mauvaises" pouvons nous dire. Je crois que oui. Il est rare que je ressente du bonheur ou autre chose du même style. Attention, ne va pas croire que je suis malheureuse. Je me plais dans ma solitude et ma haine mais, un diction dit "Dans ce monde, il y a des personnes qui préfèrent la solitude, mais il n'y a personne au monde qui puisse la supporter". Je crois que ça représente clairement ce que je ressens. De plus il m'arrive d'éprouver du plaisir. Oui, quand j'ai des rapports sexuels à peu prés potable. Je suis exigeante.
Ne t'inquiètes pas maman, cette lettre n'est que la première d'une longue lignée que j'appellerais "journal intime" parce que je t'évoquerais mes souvenirs (mon passé donc), mon présent et peut-être l'absence d'espoirs que j'ai pour l'avenir.