Quelle ville bruyante !
Je regardais tout autour de moi et vis tellement de monde que j'en perdais la tête. Les immeubles sont si haut et le ciel paraît si loin. D'un bleu éclatant, recouvert de nuages blancs, il me faisait signe et j'aimerais pouvoir voler pour le rejoindre. Vu d'en bas, Tokyo est une ville beaucoup trop peuplée et étouffante. Mais vu du ciel, elle doit être magnifique !
Il me faudrait vérifier cette théorie un jour, sur un toit assez en hauteur pour pouvoir juger correctement. Je restais là, les yeux fixés sur ce ciel que je trouvais particulièrement chaleureux. Me regarde-t-elle ? Que pense-t-elle de moi.. de sa fille ? Est-ce qu'elle..
Quelqu'un me percuta plutôt violemment et me fit revenir sur la terre ferme. La femme s'excusa avant de partir tout aussi précipitamment. Décidément, tout me semble étrange ici. C'est si différent de Sidney.
Je souffle, exaspérée par mon attitude. Combien de temps ais-je perdu, à contempler le ciel ? J'étais pourtant partie me promener avec l'idée de faire vite car je devais m'entraîner. M'entraîner. Voici la chose qui me maintenait en vie. La danse, cet art subtil et magnifique qui éblouit tout sur son passage et qui rend les gens heureux. Cet art devenu le mien. Bien qu'elle soit accompagnée de musique, j'ai souvent l'impression de me montrer en silence.
« AVANCEZ ! »
Un cri me fit me retourner et je fixais désormais des automobilistes bloqués par une voiture garée, un peu n'importe comment. Certes, ses feux de détresse étaient visibles mais cela n'excusait en rien son comportement. Une moto les doubla en faisant gronder son moteur et laissa échapper une tonne de fumée noire derrière lui. J'entendis quelques personnes l'injurier et soupira de plus belle.
Cette ville est définitivement bien trop bruyante pour moi !
Voulant me réfugier dans ma solitude et mon jardin secret, je mis le casque, que je portais autour du cou, sur mes oreilles. Je prends machinalement mon téléphone et cherche désespérément une musique qui me fasse rêver mais surtout qui me fasse voyager loin d'ici. Une qui m'emmène dans.. un autre monde.
Je perds patience jusqu'à ce que je vois ce titre.
'' Waiting for Superman ''
Je ferme les yeux un court instant. Je me remémore la mélodie et les paroles de cette musique que j'écoutais en boucle, il n'y a pas très longtemps.
Quand arrivera mon Superman à moi ?
Je veux le rencontrer dans une piscine, le voir plonger totalement habillé et remonter à la surface. Le voir me regarder, en souriant bêtement. Je le regarderais avec surprise puis admiration. J'aimerais qu'on passe nos soirées à discuter, à se confier et à critiquer ce qui nous semble injuste. Un Superman qui débarquerait en moto lorsque j'ai des ennuis et m'emmènerais très loin, juste pour me voir sourire. Je me blottirais contre lui, les yeux fermés, sur le point de pleurer. Il accélérerait comme pour vite dégager mes ondes négatives. Il m'offrirait des cadeaux stupides, sans aucune valeur physique mais avec une vraie histoire morale. Il se montrerait dès que j'ai besoin de lui ou lorsque je pense à lui. Il m'offrirait un soda, bien que je lui ai répété une dizaine de fois que je n'en voulais pas. Ma tête indignée pourrait d'ailleurs le faire rire.
Il me ferait découvrir une autre facette de Tokyo, sur sa moto. Il me protégerait contre tous dangers de la vie. Et ainsi, en regardant le ciel, je me sentirais.. vivante ! Je pourrais fermer les yeux, sentir le vent fouetter mon visage d'une tendre caresse et sourire bêtement comme il le faisait lors de notre première rencontre.
J'ouvre les yeux et me mets à rire. Non pas un rire de joie, mais un rire rempli d'hypocrisie. Je deviens fleur bleue et ridicule, je dois me reprendre. Je ne suis ni dans un film ni dans un manga. Mon Superman n'est pas prêt d'arriver.
« Arrête de rêver Tammin... » me murmurais-je, doucement.
Je souffle et continue donc de chercher une musique. De bien trop longues minutes s'écoulèrent. Un répertoire de plus quatre cent musiques est légèrement exagéré. Je devrais faire le tri. Un jour, quand j'en aurais l'envie et la motivation.
Enfin ! Je trouve la musique tant désirée. Une mélodie qui dure près de deux heures. Je dois être la seule à écouter ce genre de choses. Aussi longtemps. À ne jamais m'en lasser. Et pouvoir l'écouter en double, en triple, en quadruple, encore et encore. Pouvoir l'écouter sans m'arrêter durant une journée entière et avoir toujours le même ressenti, les mêmes émotions et les mêmes frissons.
Cette musique est d'une beauté pure !
'' Swan Lake ''
Cette merveilleuse musique du très talentueux Piotr Ilitch Tchaïkovski. Qui ne connaît pas le célèbre ballet du '' Lac des Cygnes '', composé de 4 actes absolument superbes.
Je lance donc la musique et me mets à marcher entre les civils. Je ne fais pas attention à ce qui se passe autour de moi. Je marche là où je veux marcher, je me dirige là où je veux aller, sans me poser de questions.
Je suis bien trop absorbée par la musique qui résonne dans mes oreilles, pour cela.
La partition est tellement bien travaillée et si bien pensée. Je la connais par cœur. Mais le travail le plus poussé et le plus surprenant est sans nul doute, celui du programme de ballet.
~ Scène ~ Valse ~ Scène ~ Pas de trois ~
Tout en continuant mon avancée parmi les habitants de la ville, je me mets à fermer les yeux et à danser selon les tempos imposés.
Intrada ~ Andante sostenuto ~ Allegro simplice – Presto
Moderato ~ Allegro ~ Coda
Je lève mes bras et danse encore et encore. Je m'imagine dans le ballet. Je m'imagine être Odette.
~ Pas de deux ~
L'un des termes de danse que je préfère.
Tempo di valse ma non troppo vivo, quasi moderato ~ Andante – Allegro
Un choc me fit ouvrir les yeux et stopper mes pas de danse.
Je descends mon casque autour de mon cou et fixe cette bande de.. yankees ?
Ils me fixèrent à leur tour et je sens leurs yeux me détailler de la tête aux pieds. J'allais leur adresser une réplique cinglante quand, en détournant le regard pendant une simple seconde, je vis cette œuvre d'art.
J'ouvris grand mes yeux et j'en étais bouche bée. Je ne faisais même pas attention à ce que les membres de la bande me disaient.
Je me suis approchée lentement mais avec beaucoup de certitude vers ce mur. Vers cette œuvre qui s'offrait à ses yeux. Et vers cette fille, la créatrice de ce modèle parfait.
Je vins à côté d'elle et murmura dans un souffle coupé..
« Le Lac des Cygnes ! »