J'avais hésité un instant avant de serrer maladroitement la main du jeune homme. Ce geste m'avait surpris, mais je décidai de le considérer comme un geste de confiance, comme s'il signifiait par là qu'il me traitait d'égal à égal. J'étais plutôt touché qu'il m'invite à revenir un jour ou l'autre, et je lui répondis d'un hochement de tête entendu. Mais au fond, je savais bien qu'il y avait peu de chances que je remette les pieds dans cet immeuble. Je me voyais mal me pointer un jour pour faire un coucou au fils du PDG et lui proposer d'aller manger une glace. Mais j'appréciais tout de même son invitation qui me le rendait encore plus sympathique.
Au final, je suivis Scarlet dans l'ascenseur. Il aurait été bien inutile de la prier de rester en haut avec son frère, puisqu'elle en avait décidé autrement. Je doutais fort qu'on puisse la stopper dans ses élans, et quoi qu'il en soit, je n'avais rien contre sa présence. Je lui était même reconnaissant de me raccompagner, car l'idée d'affronter seul le regard des hommes d'affaires que je rencontrerais sur mon chemin ne me réjouissait pas tant que ça.
Le trajet jusqu'au pied de l'immeuble se fit en silence, m'étant perdu dans la contemplation des cheveux de la jeune fille. Je m'imaginais qu'elles couleurs choisir pour peindre les nuances de sa crinière brune. Il me faudrait quelque chose de lumineux, comme le cuivré, et une touche d'un autre brun plus profond, comme de l'acajou ou le chocolat. Nimbée d'un halo de lumière crépusculaire, le résultat serait du premier effet.
Une fois en bas du bâtiment, je mis les mais dans les poches de mon blouson et inspirai un bon coup - ce qui n'était peut-être pas une bonne idée, compte tenu du taux de pollution qu'il devait y avoir dans les quartiers d'affaire de Tokyo. Je détestais les adieux. J'avais toujours cette angoisse de ne plus jamais revoir la personne qui me faisait face. J'avais déjà expérimenté la perte d'un ami proche plus ou moins de la même façon, et j'avais maintenant du mal à dire au revoir. Je pris sur moi pour déclarer :
« Alors... À bientôt? Je vais me mettre au travail en rentrant, vous n'aurez qu'à repasser à la boutique un de ces quatre pour récupérer votre portrait. »